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Research works
Plaintes concernant l’appareil locomoteur, 
chez les étudiants accordéonistes des conservatoires français  
          Les 985 élèves des classes d'accordéon chromatique des ENM, CNR, conservatoires d'arrondissement et CNSM de Paris ont été interrogés par questionnaire auto-administré anonyme, questionnaires distribués par leurs professeurs à la rentrée des vacances de Pâques 2004, et remplis par 47,3 % des élèves. 
          Les plaintes potentiellement dues à la pratique instrumentale étaient classées selon leur topographie d'une part (membre supérieur droit, membre supérieur gauche, et/ou zone axiale), et selon leur retentissement d'autre part (retentissement important ou modéré, selon des critères définis dans les 2 articles publiés dans Médecine des Arts). 
          53,2 % des élèves ayant répondu avaient au moins une plainte au moment de l’enquête (="plainte prévalente") et 26,2 % au moins une nouvelle plainte depuis le 1er septembre 2003 (="plainte incidente"). La prévalence des plaintes ayant un retentissement important était de 15,0 %, leur incidence de 9,4 %. Ces chiffres sont probablement proches de ceux observés pour les instruments à fort risque, comme le piano, la guitare ou la harpe, et supérieurs à ceux observés pour les instruments les moins touchés (vents). 
          L’incidence mensuelle des plaintes était maximale en début d’année scolaire pour décroître très progressivement ensuite, ce qui était inattendu, et doit inciter élèves et professeurs à la prudence dès le début de l’année, d’autant plus que de nombreuses plaintes incidentes persistaient jusqu’à la fin de l’année scolaire. Ce résultat paraît généralisable aux élèves apprenant d'autres instruments. 
          Les plaintes concernant le membre supérieur gauche étaient sur-représentées, par rapport à ce que l'on rencontre chez d'autres instrumentistes. Ce résultat était attendu, étant données les contraintes physiques à ce niveau. En revanche, l’accordéon semble induire moins de plaintes distales (poignets, mains et doigts) que les cordes et que le piano ; peut-être parce que la main et les doigts n’ont pas de fonction de soutien de l’accordéon, et que les distances parcourues sur le clavier, ainsi que les forces à développer pour enfoncer les touches sont peu importantes. 
Facteurs de risque 
          Schématiquement, les groupes à risque étaient les lycéens, les filles, et le groupe "étudiants en musicologie - étudiants de conservatoire - musiciens professionnels". 
          Selon que le retentissement des plaintes est important ou modéré, les facteurs de risque étaient complètement différents. Les plaintes, selon leur niveau de retentissement, semblent donc survenir pour des raisons différentes. Ce phénomène n'était pas connu, ni chez les musiciens, ni dans l'industrie, et sa prise en compte pourrait améliorer la qualité des futures études concernant les troubles musculosquelettiques. 
          Parmi la quarantaine de facteurs de risque testés, 3 groupes de facteurs apparaissaient dans les analyses multivariées (analyses réalisées sur chaque sous-groupe topographique, et dans le groupe des plaintes ayant un retentissement important) : 
- des facteurs en lien avec l'environnement visuel, qui apparaissaient dans TOUTES les analyses multivariées. Dans l'industrie, ce phénomène est connu, et fait l'objet de recommandations, que les musiciens devraient connaître. 
- les projets d'avenir supposant l'acquisition d'un très bon niveau instrumental (devenir professeur de musique, ou donner des concerts), qui apparaissaient dans toutes les analyses multivariées, sauf une. C'est LE facteur psychosocial important chez les élèves de conservatoire. Ce facteur, par le surcroît de motivation qu'il suppose, revêt une connotation positive, contrairement aux facteurs psychosociaux connus ; les mécanismes par lesquels il provoque des troubles musculosquelettiques n'est pas obligatoirement superposable aux connaissances acquises sur le sujet (action via le stress chronique ? augmentation de la perception de la douleur ?). Comprendre plus finement ces mécanismes permettrait de proposer des mesures de prévention, et notamment de gestion de la motivation, pour qu'elle ne devienne pas destructrice. 
- indépendamment des 2 facteurs précédents (indépendance assurée par l'analyse multivariée), existent des facteurs techniques, spécifiques à l'instrument. Le plus intéressant, dans le groupe des plaintes ayant un retentissement important, est l'augmentation du risque lorsque le soufflet est ramené en éventail fermé en bas. Cela semble cohérent avec les données biomécaniques. Il ne faut donc pas pousser les élèves vers cette technique, et rechercher plutôt d’autres solutions pour aboutir au même résultat musical. Par contre, il paraît hasardeux, dans un désir de prévention, de changer une technique, utilisée depuis longtemps par un élève ne présentant pas de symptôme : pour cet élève, des raisons particulières existent peut-être, qui lui font adopter cette technique. Et c'est peut-être, dans son cas, la moins mauvaise solution. 
          D'autres facteurs apparaissaient dans une seule analyse multivariée, notamment la participation à un stage. Ce facteur de risque est déjà bien connu chez les musiciens. Cela ne remet pas en cause l'intérêt musical de ce mode d'apprentissage ; il faudrait cependant trouver des formules augmentant moins le risque (partie du temps de travail consacrée à l'analyse des pièces "à la table", ou à l'apprentissage de techniques physiques utilisées dans la rééducation des musiciens, etc.), et veiller au strict respect des consignes usuelles de prévention.